Léo Matarasso
en Peuples/Popoli/Peoples/Pueblos, n.ro 8 (octobre 1986)
La principale difficulté rencontrée par la Cour provenait du fait que le Nicaragua avait fondé sa plainte sur la violation par les Etats-Unis d’obligations contenues dans la Charte des Nations Unies et dans celle de l’Organisation des Etats américains. Or, les Etats-Unis, dans leur acte de soumission à la juridiction de la C.I.J. avaient écarté de la compétence de celle-ci les différends résultant d’un traité multilatéral, ce qui est le cas de la Charte des Nations Unies et de l’O.E.A.
Dans un premier temps, sans aborder le fond, la C.I.J. s’était déclarée compétente.
Examinant ensuite le fond, la C.I.J. a admis que les textes invoqués par le Nicaragua étaient bien des traités multilatéraux, mais elle a estimé que rien ne l’empêchait d’appliquer d’autres sources du droit, et notamment le droit international coutumier.
Elle s’est essentiellement fondée sur quelques principes fondamentaux du droit coutumier tels que le principe de non-intervention dans les affaires intérieures d’un Etat souverain et le principe de non-recours à la force pour régler les différends internationaux. Peu importe que ces principes soient repris et détaillés dans des traités multilatéraux. Ils n’en restent pas moins des principes fondamentaux, des sources coutumières du droit international ne se confondant pas avec les traités qui en constituent parfois les applications.
Ce sont ces principes que les Etats-Unis ont violés, par exemple, en entraînant, équipant, finançant et approvisionnant les forces dites “contras”, en attaquant des ports ou en déposant des mines dans les eaux du Nicaragua, etc…
La Cour a jugé que les Etats-Unis sont tenus envers la République du Nicaragua de l’obligation de réparer les préjudices occasionnés par de telles violations. Elle n’a pas chiffré le montant de cette réparation, réservant à cet effet la suite de la procédure.
Le mérite de l’arrêt est d’avoir fait apparaître que certains principes juridiques fondamentaux sont, comme l’a fort bien souligné le Professeur Monique Chemillier-Gendreau, “incontournables”.
Mais il faut se garder de voir dans la décision de la C.I.J. une interprétation audacieuse de la loi internationale. L’arrêt est rédigé en termes modérés et ce qui fait sa force, est justement qu’il est conforme au droit international des Etats le plus classique. Cela le rend difficilement contestable et explique le relatif silence dont il a été entouré de la part de certains médias.
C’est aussi cette conformité au droit des Etats qui en fait une victoire morale et politique du peuple du Nicaragua.
en: Peuples/Popoli/Peoples/Pueblos, n.ro 8 (octobre 1986)