Mouna Naïm
en Le Monde
Ceux qui ont collaboré avec Jean-Marie Gaubert, en tant que militant ou dans sa vie professionnelle, portent le deuil d’un homme dont la discrétion, la pudeur et la sobriété n’avalent d’égal que la générosité, la lucidité, l’efficacité et la fidélité à ses convictions, notamment le soutien aux droits du peuple palestinien. Obstiné, sobre et pudique, Jean-Marie Gaubert préférait aux fonctions de prestige le travail concret et efficace. Il était un militant de l’ombre, alors même qu’avec d’autres il a été à l’origine de nombreux projets et initiatives. Mais jamais il ne versa dans l’austérité obsessionnelle et quasi sacrificielle de ceux qui défendent une cause.
C’était, assurent ses intimes, un bon vivant, très fin connaisseur de musique classique et d’architecture romane, un féru d’histoire et aussi un infatigable randonneur.
Lorsque, en octobre 1974, Jean-Marie Gaubert fonde l’Association médicale franco-palestinienne (AMFP) – avec les professeurs Paul Milliez, Marcel Francis-Kahn et Michel Larivière, ainsi que Marie-Claude Hamchari, veuve de Mahmoud Hamchari représentant de l’OLP en France, assassiné deux ans plus tôt -, il n’est pas un novice en politique. Membre du PSU dès le début des années 1970, puis du PSUM (PSU maintenu), il participe à l’aventure de la Gauche ouvrière et paysanne et à celle de l’Organisation communiste des travailleurs.
C’est ce bref passage au sein de l’extrême gauche internationaliste qui semble avoir été déterminant dans son engagement pour la Palestine. L’AMFP, dont Jean-Marie Gaubert était devenu président en 1988, fut une des toutes premières structures pro-palestiniennes dans le paysage politique français. D’emblée, elle a soutenu l’OLP et le droit à l’autodétermination du peuple palestinien et s’y est employée aux plans politique et pratique – très centrée sur les camps palestiniens du Liban jusqu’en 1985, puis sur la Cisjordanie et la bande de Gaza, sans laisser tomber le Liban.
Fidèle à ses convictions Jean-Marie Gaubert fut également l’un des fondateurs, en 1985, du Comité de coordination international des ONG sur la question de Palestine (CICP), dont la création avait été décidée par l’Assemblée générale de l’ONU, sur proposition du Comité onusien pour la défense des droits inaliénables du peuple palestinien.
Le CICP, qui avait un secrétariat permanent à Genève, a notamment joué un rôle précurseur dans le dialogue israélo-palestinien, dans la mesure où il a servi de lieu semi-institutionnel de rencontre entre l’OLP et des ONG palestiniennes avec des ONG israéliennes, à un moment où une loi israélienne criminalisait toute rencontre avec l’OLP. Le CICP a également facilité des rencontres entre Palestiniens «de l’intérieur» et «de Tunis». Jean-Marie Gaubert a par ailleurs participé aux activités du Centre international d’information sur les prisonniers, déportés et disparus palestiniens et libanais, créé en juillet 1982 à Paris, lors de l’invasion israélienne au Liban. En 1993, il fut enfin l’un des principaux promoteurs de la plate-forme des ONG françaises pour la Palestine, qui comprend vingt et un membres.
Son combat ne se cantonnait pas à la Palestine. Il a été secrétaire général de la Ligue française pour les droits et la libération des peuples, depuis sa création en 1976, et a contribué à l’organisation de plusieurs sessions du Tribunal permanent des peuples, créé par le sénateur socialiste italien Lelio Basso, grande figure de la résistance italienne durant la seconde guerre mondiale. Son parcours professionnel reflète lui aussi sa fidélité à ses convictions. L’un des fondateurs d’Italiques, société coopérative ouvrière de production (Scop), Jean-Marie Gaubert a ensuite rejoint Incidences, une autre coopérative spécialisée dans la communication, dont il était le chef de production et l’administrateur. Parallèlement, il’ était très actif dans la confédération des Scop.
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