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Relations entre droits des peuples et droits de l’homme

    Léo Matarasso

    en Etude réalisée par M. Léo Matarasso, présentée à la réunion internationale d'experts sur l’approfondissement de la réflexion sur le concept de droits des peuples. Unesco, Paris, 27-30 novembre 1989

    I – Introduction

    1. L’Unesco a chargé la “Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples” de rédiger une étude de caractère juridique sur les relations entre droits des peuples et droits de l’homme tels que cas derniers sont définis dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et les Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme et, en particulier, sur les relations entre droits des peuples et droits culturels tels que ces derniers sont définis dans les trois instruments internationaux universels susmentionnés.

    2. La présente étude s’efforce de répondre aux questions ainsi posées en essayant de s’en tenir à ce qui apparaît comme le droit positif en la matière. Il ne sera pas possible d’éviter complètement les considérations historiques, philosophiques, politiques ou morales fréquentes sur ce sujet, mais elles seront réduites au strict minimum nécessaire à l’intelligence du droit. Il en sera de même pour les controverses doctrinales. Dans ces limites, cette étude aura forcément un contenu sommaire, voire même élémentaire. Elle méritera certainement les critiques qui pourront lui être faites: certains trouveront qu’elle comporte trop de certitudes, d’autres qu’elle laisse apparaître trop d’incertitudes. Les uns et les autres auront sans doute raison.

    3. Il a semblé pertinent de définir d’abord les deux notions dont les relations sont à l’étude: droits de l’homme d’une part et droits des peuples d’autre part. Le champ du travail sera ainsi déterminé.
    Il conviendra ensuite de préciser les relations entre ces deux notions, avant de terminer par l’examen plus particulier de leurs relations dans le domaine des droits culturels.

    II. LES DROITS DE L’HOMME

    a) Les textes

    4. Il est plus facile de savoir ce qu’il faut entendre par droits de l’homme que, nous le verrons, par droits des peuples. Il existe sur ce point une considérable littérature doctrinale et, sur le plan du droit positif, un grand nombre d’instruments internationaux.
    Nous retiendrons principalement les trois instruments internationaux universels figurant dans le libellé du sujet de notre étude:
    la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée et proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948;
    • le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 16 décembre 1966.
    • le Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 16 décembre 1966.

    5. Ces trois textes constituent l’essentiel, mais non la totalité, du droit positif international des droits de l’homme.
    L’existence d’un droit international positif des droits de l’homme a été parfois contestée, au motif notamment que la Déclaration elle-même se présente, dans son préambule, “comme l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations”. Il s’agirait donc, selon certains, d’un document n’ayant qu’une valeur morale, sans force exécutoire.
    Mais ainsi que le soulignait déjà René CASSIN, l’un des pères de la Déclaration, l’article 56 de la Charte des nations Unies aux termes duquel les Etats s’engagent à agir tant conjointement que séparément, en vue d’atteindre les buts énoncés à l’article 55 (parmi lesquels figure “le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales”) fait que la Déclaration a une valeur juridique qui dépasse celle d’une simple recommandation (1). Depuis, la matière s’est enrichie des deux Pactes internationaux aujourd’hui ratifiés par la majorité des Etats.

    b) L’individu sujet du droit international

    6. Doit-on considérer qu’en devenant des règles du droit positif international les dispositions de la Déclaration universelle ont mis fin à la vieille controverse doctrinale sur la question de savoir si l’individu pouvait ou non être un sujet du droit international? Le droit international classique refuse de voir dans l’individu un sujet du droit des gens estimant que celui-ci régit les seules relations entre les Etats. L’individu, sujet du droit interne, ne peut être concerné par les règles du droit international qu’à travers l’Etat auquel il appartient et à son droit interne.
    Cette conception déjà critiquée par divers auteurs avant la seconde guerre mondiale, semble aujourd’hui dépassée. Il y a trop de phrases tant dans la Déclaration que dans les Pactes commençant par les mots “Tout individu a droit…” ou “Toute personne a droit…” pour qu’on puisse contester que c’est à l’individu même que des droits sont reconnus par ces instruments internationaux. Si les Pactes qui font partie du droit conventionnel multilatéral comportent de nombreux engagements pris par les Etats signataires d’assurer le respect des droits de l’homme, il n’en reste pas moins que c’est l’individu qui en est titulaire.

    7. Le fait que certains textes tels que le Protocole facultatif relatif aux droits civils et politiques ou la Convention européenne des droits de l’homme autorisent les plaintes émanant de particuliers prétendant être victimes d’une violation des droits de l’homme, milite en faveur de l’opinion selon laquelle, contrairement à ce qu’affirmait la conception classique, les individus sont, ou tout an moins sont devenus, des sujets du droit international.

    c) Les distinctions entre les droits de l’homme

    8. Ce n’est pas le lieu ici d’énumérer les divers droits institués par la Déclaration et les Pactes, ni leur classement en diverses catégories. Cependant, deux distinctions entre les droits de l’homme s’imposent:
    – la distinction entre les droits civils et politiques, d’une part, et les droits économiques, sociaux et culturels d’autre part.
    – la distinction entre les droits fondamentaux et les autres.

    9. Les droits civils et politiques sont ceux directement issus de la Déclaration française de 1789 centrés sur l’individu. Les droits économiques, sociaux et culturels sont ceux dont l’exercice ne peut être que collectif. On les appelle parfois les droits de l’homme de la deuxième génération. Lors de l’élaboration des Pactes internationaux des droits de l’homme, la question de savoir s’il fallait élaborer un ou deux Pactes s’est posée et a donné lieu à une longue et laborieuse discussion. Selon les partisans d’un seul Pacte, on ne pouvait distinguer entre les divers droits de l’homme. Les droits civils et politiques risquaient d’être des droits formels à défaut de droits économiques, sociaux et culturels. Inversement, ces derniers ne pouvaient, à défaut de droits civils et politiques, être garantis. Les partisans de deux Pactes distincts firent admettre leur thèse en faisant valoir que les droits civils et politiques devaient être immédiatement applicables alors que le respect des droits économiques, sociaux et culturels devait être organisés progressivement.

    10. Il en résulte que si tous les droits de l’homme proclamés par les deux Pactes font partie du droit international positif, la nature des engagements pris par les Etats signataires n’est pas la même. Ceux-ci s’engagent “à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire (…) les droits reconnus” par le Pacte sur les droits civils et politiques (Article 2), alors que chacun des Etats parties au Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels “s’engage à agir, tant par son effort propre que par l’assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le (présent) Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l’adoption de mesures législatives (article 2).

    11. La distinction entre les droits de l’homme et les libertés fondamentales a fait en doctrine couler beaucoup d’encre. Si l’on veut se limiter au droit positif, il faut s’en tenir à l’article 4 du pacte sur les droits civils et politiques qui prévoit que “dans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation” les Etats signataires peuvent prendre “des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le Pacte “sous réserve qu’elles n’entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l’origine sociale”. Cependant “la disposition précédente n’autorise aucune dérogation aux articles 6, 7,8 (paragraphes 1 et 2), 11,15,16 et 18”. Les Etats parties au Pacte qui usent du droit de dérogation doivent par l’entremise du Secrétaire général de l’O.N.U. signaler aussitôt aux autres parties les dispositions auxquelles ils ont dérogé ainsi que les motifs qui ont provoqué cette dérogation.

    12. Les dispositions du Pacte sur les droits civils et politiques auxquelles un Etat ne peut déroger, même en cas de danger exceptionnel menaçant l’existence de la nation, sont les suivantes:
    – le droit à la vie: la peine de mort dans les pays où elle n’a pas été abolie ne pouvant être prononcée qu’en vertu d’un jugement régulier (art.6);
    – l’interdiction de la torture, des traitements cruels, inhumains et dégradants;
    – l’esclavage ou la mise en servitude (art. 8);
    – l’interdiction de l’emprisonnement pour manquement à une obligation contractuelle (art.11);
    – la non rétro-activité des lois pénales, nul ne pouvant être condamné pour des faits qui ne constituaient pas un crime ou un délit au moment où ils ont été commis (art.15);
    – le droit à la reconnaissance de la personnalité juridique (art.16);
    – le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (art.18).

    13. Ce minimum irréductible prévu par l’article 4 du Pacte sur les droits civils et politiques s’apparente aux dispositions qu’un Etat est tenu de respecter “en toute circonstance” aux termes de l’article 3 des 4 Conventions de Genève applicable aux conflits armés de caractère non-international. Qu’il s’agisse d’un danger exceptionnel menaçant l’existence de la nation ou d’une guerre civile, il y a donc un minimum de droits de l’homme qui doivent être respectés. Dans les deux cas il y a pour l’Etat concerné une obligation de droit international.

    d) L’extrême faiblesse des moyens internationaux de mise en œuvre

    14. Si les droits de l’homme sont parfaitement énoncés et précisés dans les trois textes internationaux à caractère universel qui nous servent de référence, comme des droits dont l’individu est le sujet, comment ne pas être frappé par l’extrême faiblesse sinon l’absence des moyens mis en œuvre pour en assurer le “respect universel et effectif” conformément à l’article 55 de la Charte des Nations Unies? Les états, selon les deux Pactes ont seulement l’obligation d’envoyer des rapports. Ainsi, le Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels dispose: :”Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à présenter (…) des rapports sur les mesures qu’ils auront adoptées et sur les progrès accomplis en vue d’assurer le respect des droits reconnus dans le Pacte” (art. 16). Le Pacte sur les droits civils et politiques prévoit de son côté: “Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à présenter des rapports sur les mesures qu’ils auront arrêtées et qui donnent effet aux droits reconnus dans le présent Pacte et sur le progrès réalisés dans la juoissance de ces droits (Art. 40). Quant à la possibilité pour le Comité des droits de l’homme, prévu par l’Article 41 du Pacte sur les droits civils et politiques, de recevoir des communications d’un Etat partie intéressante un autre Etat partie, elle est soumise à la double condition que tant l’Etat faisant la communication que l’Etat intéressé par celle-ci aient fait une déclaration préalable reconnaissant la compétence du Comité. Le nombre des Etats ayant fait une telle déclaration est très limité. Il ne semble pas que cette disposition ait, à ce jour, reçu application.

    15. Pour conclure ce bref survol du droit international positif des droits de l’homme, disons que celui-ci reconnaît les individus comme sujets de droit, que ces droits sont énoncés et décrits dans la Déclaration universelle et précisés dans les deux Pactes internationaux, que les Etats ont l’obligation d’en assurer le respect, pour certains d’entre ces droits immédiatement et pour d’autres progressivement, mais que rien ou très peu de choses sont mises en œuvre internationalement pour en permettre la jouissance, du moins dans les trois instruments de caractère universel auxquels se réfère la présente étude.

    III LES DROITS DES PEUPLES

    a) Position du problème

    16. Si nous sommes parvenus à la conclusion qu’il existe un droit international positif des droits de l’homme, même si les moyens de le faire respecter manquent singulièrement, il est beaucoup plus difficile de s’entendre sur les droits des peuples. Certains contestent même l’existence de ces droits considérant que celui qui est le plus souvent mis en avant, “le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes” ou “droit à l’autodétermination”, est davantage un principe politique qu’une norme juridique. A l’appui de leur contestation, ils font valoir la difficulté même de cerner la notion de “peuple” et d’en donner une définition précise, l’incertitude sur le contenu des droits des peuples et enfin et surtout qu’il ne saurait y avoir de droit des peuples en dehors des Etats.
    Il est vrai que dès qu’on aborde la question d’un droit international positif des droits des peuples, quatre interrogations au moins se posent inévitablement au juriste auxquelles il ne peut se soustraire :
    • qu’est-ce qu’un peuple?
    • le peuple est-il sujet du droit international?
    • quel est le contenu des droits des peuples?
    • qui représente le peuple dans l’exercice de ses droits?

    b) Qu’est-ce qu’un peuple?

    17. C’est à propos du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes que s’est posée la question de savoir ce qu’il fallait entendre par “peuple”. La discussion sur ce point s’apparente à celle développée au XIXe siècle sur la “nation”, tant il est vrai que les mots “peuple” et “nation” ont été souvent confondus, seule la doctrine ayant tenté de les distinguer. On opposait alors la conception objective de la nation, faisant reposer celle-ci sur des éléments objectifs tels que le territoire, la langue, la religion, la race ou la culture, à la conception subjective et volontariste qui définissait la nation essentiellement par des éléments psychologiques, ce qu’Ernest Renan a appelé le “vouloir vivre collectif”.

    18. La même opposition est apparue au cours de l’examen de la question de la définition du terme “peuple” par les organes de l’O.N.U. Les opinions les plus diverses ont été alors exprimées. Force a été de constater qu’”il n’existe ni texte, ni définition reconnus permettant de déterminer ce qu’est un peuple bénéficiaire du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes” reconnu par La Charte des Nations Unies (2). Un autre auteur parle de “l’introuvable définition juridique du peuple” (3).

    19. L’analyse la plus fine est celle de Charles CHAUMONT (4). Pour lui, l’absence de définition du peuple ne peut empêcher celui-ci d’exister juridiquement. Les diverses conditions évoquées habituellement pour tenter de définir le peuple ne prennent leur signification que par le mouvement historique de détermination du peuple et ce mouvement se manifeste par le combat qui, d’une part, révèle l’existence de ces conditions, et, d’autre part et surtout, constitue le témoignage du peuple en marche. C’est là la leçon de l’expérience des mouvements de libération nationale de l’époque contemporaine. Le combat a une véritable valeur probatoire. Le peuple doit constamment lutter pour son existence en tant que tel, même si dans le cas des nations traditionnelles le “besoin probatoire ne se fait pas constamment sentir avec acuité”. On a parfois résumé cette conception en disant qu’on ne définit pas un peuple, il se définit lui-même, ce qui n’a rien de paradoxal tant il est vrai qu’un peuple se saisit moins par son être que par son devenir.

    c) Les peuples, sujets de droit international

    20. Dès lors qu’un peuple peut témoigner lui-même de son existence, il faut admettre que son droit à l’autodétermination fait de lui un sujet du droit international. Cela n’était pas concevable dans le droit international classique qui ne concernait que les relations entre Etats. Mais contester aujourd’hui que les peuples soient devenus des sujets du droit international, c’est dénier toute signification aux dispositions de l’article 55 de la Charte proclamant “l’égalité des droits des peuples et de leur droit a disposer d’eux-mêmes”. C’est aussi enlever toute signification à l’article 1er commun aux deux Pactes qui commence par ces mots: “Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur développement économique, social et culturel”.

    21. A deux reprises la Cour internationale de justice (CIJ) a eu l’occasion de considérer que le droit des peuples à l’autodétermination était, ou tout au moins était devenu, une norme du droit des gens. Dans son avis consultatif du 21 juin 1971 dans l’affaire de la Namibie, la Cour déclare prendre en considération l’évolution du droit international depuis la Charte des Nations Unies, dont un étage important a été la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux “applicable à tous les peuples”. Elle conclut en disant: “Dans le domaine auquel se rattache la présente procédure, les 50 dernières années ont marqué (…) une évolution importante. Du fait de cette évolution, il n’y a guère de doute que la “mission sacrée de civilisation” (il s’agit de la mission confiée par la Société des Nations à l’Afrique du Sud) avait pour objectif ultime l’autodétermination et l’indépendance des peuples en cause. Dans ce domaine comme dans les autres le corpus juris gentium s’est beaucoup enrichi et pour pouvoir s’acquitter fidèlement de ses fonctions, la Cour ne peut l’ignorer” (5). Dans son avis sur le Sahara occidental du 16 octobre 1976, la CIJ a affirmé que “l’expression libre et authentique de la volonté des populations du territoire reste applicable au cas du Sahara occidental” (6).

    22. Il n’est pas inutile de signaler un autre instrument international faisant du droit des peuples un principe du droit des gens. Il s’agit du protocole 1, additionnel (de 1977) aux Conventions de Genève de 1949, qui assimile aux conflits armés internationaux “les conflits armés dans lesquels les peuples luttent contre la domination coloniale et l’occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, consacré dans la Charte des Nations Unies et dans la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des nations Unies”.

    d) Le contenu des droits des peuples

    23. L’accord s’est donc fait aujourd’hui pour reconnaître le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes comme une norme du droit positif international. Dans divers documents des Nations Unies et de l’Unesco, mais aussi dans d’autres instruments internationaux ou dans la doctrine, on voit apparaître d’autres droits reconnus au peuple tels que le droit au développement, le droit des peuples sur leurs richesses et leurs ressources naturelles, leur droit à la culture, leur droit à la protection de l’environnement et même leur droit à la paix.

    24. Peut-on considérer ces divers droits attribués aux peuples des normes du droit international positif ? On ne peut répondre à cette question sans tenir compte du processus de création du droit international. Il est communément admis aujourd’hui que celui-ci procède d’une constante évolution. Les résolutions des Nations Unies contribuent à cette création continue. Elles ont une valeur juridique dans la mesure où elles constatent soit un accord, soit une règle coutumière en voie de formation. Un principe moral ou politique peut devenir par son insertion répétée dans des textes des Nations Unies, de la Commission des droits de l’homme de l’Unesco ou d’autres organisations internationales, une norme du droit positif. On a pu écrire à propos de l’affirmation du droit au développement dans les résolutions des Nations Unies qu’”elle a pour effet de transformer fondamentalement la politique internationale du développement et de la faire passer du plan moral au plan juridique, de l’aumône à l’obligation” (7).

    e) Qui représente le peuple dans l’exercice de ses droits?

    25. Pour répondre à cette question, il faut distinguer entre ce qu’il est convenu d’appeler l’autodétermination externe et l’autodétermination interne. Quand un peuple soumis à un joug colonial ou à une occupation étrangère combat pour sa libération, il se donne, de fait, dans ce combat, une direction qui parvient souvent à se faire reconnaître par tout ou partie de la communauté internationale. Des mouvements de libération, des gouvernements en exil ont été fréquemment admis comme représentatifs non seulement par des Etats, mais même par les Nations Unies.

    26. Pour celles-ci, le droit à l’autodétermination signifie le droit de s’affranchir de toute domination coloniale ou étrangère ou de tout régime raciste. Il s’agit dans tous ces cas du droit pour un peuple non organisé en état de choisir son statut, de réaliser son autodétermination externe.

    27. S’il est vrai que l’autodétermination conduit, du fait même des conditions de la vie internationale, à la formation d’un Etat distinct, on ne peut prétendre que le peuple se confonde avec l’Etat, ni même que l’Etat soit en toute circonstance le représentant du peuple. Le droit international contemporain a mis fin à la conception d’une liaison indestructible entre le peuple et l’état. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes n’est pas seulement celui de se libérer de toute domination étrangère, coloniale ou raciste, c’est aussi le droit de disposer librement et de façon permanente de son destin, autrement dit le droit à l’autodétermination interne. Un peuple n’est pas libre si lui sont contestés les droits et libertés fondamentaux et refusés les droits politiques.

    28. Nous sommes ici à la charnière des droits de l’homme et des droits des peuples. Le droit à l’autodétermination prend tout son sens lorsqu’il permet à un peuple de s’affranchir de toute domination coloniale, occupation étrangère ou régime raciste, et devenir le maître de son destin en bénéficiant d’un gouvernement démocratique représentant l’ensemble des citoyens sans distinction de race, de sexe, de croyance ou de couleur et capable d’assurer le respect effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous.

    IV. LES RELATIONS ENTRE DROITS DES PEUPLES ET DROITS DE L’HOMME

    29. Il n’est pas possible d’ignorer que les droits de l’homme et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ont une origine et une histoire communes. Est-ce à cause de cette histoire commune que certains considèrent les droits des peuples comme étant, ou étant aussi, des droits de l’homme, qualifiés de droits de l’homme de la troisième génération? Le respect des droits des peuples est-il une condition préalable au respect des droits de l’homme? Ou bien existe-t-il une complémentarité constante entre les deux notions ?

    a) Origine et histoires communes

    30. Le premier texte où l’on trouve proclamés simultanément les droits de l’homme et les droits des peuples est la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis, dont les premiers mots sont les suivants :
    “Lorsque dans le cours des événements humains, il devient nécessaire pour un peuple de dissoudre les liens politiques qui l’ont attaché à un autre et de prendre, parmi les puissances de la terre, la place séparée et égale à laquelle les lois de la nature et du Dieu de la nature lui donnent droit, le respect dû à l’opinion de l’humanité l’oblige à déclarer les causes qui le déterminent à la séparation.
    “Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes, les vérités suivantes:
    Tous les hommes sont créés égaux; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables; parmi ces droits, se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur.”

    31. Le même texte proclame donc à quelques lignes d’intervalle les droits d’un peuple de dissoudre les liens qui l’ont attaché à un autre et les droits inaliénables de l’homme.

    32. C’est surtout pendant la Révolution française que les idées de droits de l’homme seront précisées en même temps que s’élaborera le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, désigné ultérieurement sous le nom de “principe des nationalités”. Si la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ne comporte aucune mention de la notion de “peuple”, les diverses Constitutions de la période révolutionnaire y font expressément référence. Les mêmes textes proclament alors les droits de l’homme et les droits des peuples à la liberté et à l’égalité.

    33. Inversement, les deux notions, droits de l’homme et principe des nationalités, seront considérées comme des idées “pernicieuses” par la Sainte Alliance et bannies de l’Europe de la monarchie absolue restaurée. Les peuples n’ont aucun droit à revendiquer à l’égard des monarques. Les citoyens n’ont d’autres droits que ceux que les monarques veulent bien leur reconnaître. Désormais, dans tous les pays de l’Europe ou d’origine européenne, des luttes seront menées en même temps pour les droits de l’homme et pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes .

    34. Le bouillonnement de 1848, qu’on a appelé “le printemps des peuples” témoigne d’une agitation populaire pour la démocratie, les droits de l’homme, l’indépendance, et l’unité nationale.

    35. C’est au nom de ces principes que les pays d’Amérique latine se détachent du colonisateur espagnol ou portugais, que d’autres peuples se dégagent de la domination ottomane, que l’Empire Austro-Hongrois qualifié de “mosaïque des peuples” sera démembré.

    36. Quant à l’Empire des Tsars, qu’on appelait la “prison des peuples” il devient, selon la Loi fondamentale du 31 janvier 1924, une Union des Républiques Soviétiques Socialistes dans laquelle il est “garanti” à chaque République “le droit de sortir librement de l’Union” tandis que “l’accès à l’Union est ouvert à toutes les Républiques Soviétiques existantes ou pouvant se former à l’avenir”, marquant ainsi “un nouveau pas décisif dans l’union des travailleurs de tous les pays en une République soviétique socialiste mondiale”.

    37. Les Constitutions ultérieures maintiendront le droit de sortir de l’Union, mais ne parleront plus de “garantie” ou de “République soviétique socialiste mondiale”.

    38 L’Allemagne nazie, quant à elle, se déclarera fondamentalement opposée à l’idéologie des droits de l’homme et des droits du peuple et le démontrera tragiquement par des massacres et des déportations massifs et la mise en servitude d’une grande partie des peuples d’Europe.

    39 Après la victoire des Alliés, la Charte des Nations Unies sera le premier document international à caractère universel reconnaissant solennellement les droits de l’homme et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Dans le même article 55, se trouvent affirmés “l’égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes”, d’une part, et le “respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue et de religion”, d’autre part.

    40 Ce bref rappel de l’histoire commune des deux notions qui nous préoccupent risquerait de donner une image trompeuse des choses, si l’on ne rappelait que, malgré la signification universelle qu’ils donnaient à ces principes, les Etats européens ou d’origine européenne, comme les Etats-Unis d’Amérique, se sont parfaitement accommodés de l’esclavage, du colonialisme et même du génocide, sans parler de toutes les formes de discrimination raciale. Les pays d’Amérique latine qui se sont libérés du colonialisme ont maintenu avec les populations indiennes des liens de type colonial avec tout ce que cela suppose de spoliations et d’asservissement.

    41. L’esclavage n’a été aboli que dans la seconde moitié du XIXe siècle. Encore a-t-il fallu aux Etats Unis d’Amérique une guerre civile pour y parvenir. Le XIXe siècle, le siècle des droits de l’homme et du principe de nationalité, a été l’âge d’or de la colonisation. Des millions d’êtres humains ont été asservis par des puissances qui avaient inscrit dans leur Constitution les grands principes de 1789.

    b) La distinction entre droits de l’homme et droits des peuples

    42. Est-ce en raison de cette histoire commune ou en raison de l’inclusion du droit des peuples dans l’article 1er des deux Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme, toujours est-il que certains ont cru pouvoir émettre l’opinion que le droit à l’autodétermination devait être considéré comme “un droit de l’homme”. Cette opinion, nous le verrons, a été écartée assez facilement.

    43. Cependant à propos des “nouveaux” droits des peuples tels que, par exemple, le droit au développement ou le droit à disposer des richesses et ressources naturelles, l’idée est venue de les assimiler à des droits de l’homme et on s’est mis à parler couramment à leur sujet de “droits de l’homme de la troisième génération”. Nous contestons plus loin une telle formation.

    44. Les deux Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme comportent un article 1er rédigé dans les mêmes termes et ainsi conçu:
    “1. Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.
    “2. Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles” sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique internationale fondée sur le principe de l’intérêt mutuel, et du droit international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance.
    “3. Les Etats parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité d’administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies”.

    45. Devait-on, en raison de l’inclusion du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dans les deux Pactes, considérer le droit à l’autodétermination comme “un droit de l’homme” au sens strict de l’expression? La plupart des auteurs ne l’admettent pas. Ils font valoir, à juste titre, que la protection des droits de l’homme est destinée aux individus en tant que tels, alors que c’est le peuple collectivement qui exerce son droit à l’autodétermination.

    46. Lors des débats à l’O.N.U. sur l’article 1er des deux Pactes, certains ont cru pouvoir contester une telle évidence. Ils avançaient qu’il existe bien des droits de l’homme dont l’exercice ne peut être que collectif tels que la liberté d’association ou la liberté syndicale. Pourquoi n’en serait-il pas de même du droit à l’autodétermination?

    47. Il fut répondu à cette observation, avec raison, que c’est l’individu titulaire du droit qui prenait librement la décision d’adhérer à une association ou de s’affilier à un syndicat, alors que l’appartenance à un peuple ne dépend pas, sauf cas exceptionnels, d’un choix individuel (8).

    48. A propos des droits “nouveaux” reconnus aux peuples tels que le droit au développement, le droit des peuples à disposer de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, leurs droits culturels, leur droit à la protection de l’environnement et même leur droit à la paix, on a vu certains doctrinaires les considérer comme des droits de l’homme et même les qualifier “droits de l’homme de la troisième génération”.

    49. Il paraît d’abord difficile de considérer le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes comme un droit de la troisième génération puisque, nous l’avons vu, il a la même origine historique que les droits de l’homme. Il faudrait donc admettre que le seul droit des peuples est le droit à l’autodétermination et que les autres droits rappelés ci-dessus ne sont en fait que des droits de l’homme apparus tardivement.

    50. Certains textes, il est vrai, donnent une double dimension au droit au développement, le caractérisant à la fois de droit de l’homme et de droit des peuples. C’est ainsi que la Déclaration sur le progrès et le développement dans le domaine social proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 11 décembre 1949 énonce “tous les peuples, tous les êtres humains (…) ont le droit de vivre dignement et de jouir librement du progrès social”. C’est ainsi encore que la Déclaration de l’Unesco sur la race et les préjugés raciaux parle du “droit au développement intégral de tout être et de tout groupe humain”.

    51. Mais, en fait, il s’agit de deux droits distincts. Le droit de l’individu à son plein et entier épanouissement ne peut se confondre avec le droit du peuple tout entier au développement économique et social. La même distinction doit être faite, nous le verrons, pour les droits culturels: une chose est le droit de l’individu à l’accès à la culture, autre chose le droit d’un peuple de voir respecter sa culture.

    52. Dira-t-on qu’un même droit peut avoir deux bénéficiaires? Nous pensons que ni les droits de l’homme, ni les droits des peuples n’ont rien à gagner à un tel amalgame. Si la finalité du droit au développement est l’accomplissement de l’individu, encore faut-il tenir compte qu’il n’y a pas d’être humain abstrait hors du temps et de l’espace, mais des hommes et des femmes réels vivant au milieu d’un peuple. L’identification des droits de l’homme et des droits des peuples, l’emploi d’un vocabulaire plutôt insolite (“droits de l’homme de la troisième génération”) pour désigner des droits appartenant au peuple, ne peuvent que provoquer la confusion et obscurcir la discussion sur les relations entre les deux notions qu’il faut considérer comme distinctes mais complémentaires.

    53. Quant au “droit à la paix” tenu tantôt comme un droit de l’homme de la troisième génération tantôt comme un droit des peuples, observons que l’illégalité du recours à la guerre a été proclamée par de nombreux textes, depuis le Pacte de Paris du 27 avril 1928 dit Pacte Briand-Kellogg jusqu’à la Charte des Nations Unies. Mais le recours à la guerre n’est pas seulement un acte illicite. Il est aussi un acte criminel. L’article 6 du statut de Nuremberg a défini la notion de “crime contre la paix”, entraînant la responsabilité pénale des auteurs de ce crime. Le verdict de Nuremberg en a fait application et a été consacré par la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies du 11 décembre 1946, L’article 5 de cette résolution sur la définition de l’agression dispose: “Une guerre d’agression est un crime contre la paix internationale. L’agression donne lieu à la responsabilité internationale”. L’énoncé d’un droit à la paix reconnu aux hommes et aux peuples n’ajoute rien à ces condamnations péremptoires du recours à la guerre, normes contraignantes essentielles du droit international. La guerre d’agression constitue un crime international au regard de l’humanité toute entière.

    c) Les droits des peuples comme condition des droits de l’homme

    54. Nous avons déjà vu que l’inclusion du droit de libre détermination des peuples dans les deux Pactes internationaux, c’est-à-dire dans des instruments juridiques essentiellement consacrés à l’énoncé des droits individuels n’a pas eu pour effet d’en faire un “droit de l’homme”. Comment donc expliquer cette inclusion? S’agit-il d’une erreur méthodologique comme d’aucuns l’ont prétendu, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes n’ayant pas sa place dans les Pactes relatifs aux droits de l’homme? Nous ne le pensons pas. En fait, les rédacteurs des Pactes ont voulu, en faisant figurer le droit international d’autodétermination dans une première partie de chacun des deux Pactes, composée d’un unique article 1er, signifier par cette disposition liminaire, qu’il ne pouvait y avoir des droits de l’homme là où un peuple était asservi.

    55. Les résolutions des Nations Unies présentent habituellement le droit à l’autodétermination comme le droit de s’affranchir de toute domination coloniale, étrangère ou raciste, une telle domination étant incompatible avec la garantie du respect des droits de l’homme. Ce respect suppose donc le préalable de la libération du peuple qui, dans les conditions de la vie internationale contemporaine, s’affirme par la création d’un Etat indépendant. Par cette création, le peuple exerce son autodétermination dans le cadre international, les droits de l’homme étant alors du seul ressort du nouvel Etat indépendant souverain.

    56. Cette façon de voir est exacte mais incomplète. Il est exact que l’affranchissement d’une domination coloniale, étrangère ou raciste est la condition nécessaire des droits de l’homme, mais non la condition suffisante. Le droit d’un peuple à disposer de lui-même n’est pas seulement celui de se libérer de la sujétion coloniale, de l’occupation étrangère ou d’un régime raciste, il est aussi celui de disposer librement et de façon permanente de son destin. Un peuple n’est pas libre et maître de son destin s’il est soumis à un régime autoritaire et répressif. Le droit pour un peuple de disposer de lui-même ne devient pas sans objet dès lors qu’il a brisé les chaînes d’une domination étrangère. Il est, comme les droits de l’homme, un droit permanent.

    57. Les Nations Unies proclament le principe général que tout peuple a le droit de disposer de lui-même, mais n’en font, en fait, application qu’au cas des peuples soumis à une domination coloniale ou étrangère. La souveraineté de la puissance coloniale ou occupante n’est pas considérée comme un obstacle au soutien international dû à un peuple luttant pour sa libération. L’autodétermination s’exerce alors sous la forme d’un choix dans le cadre des rapports internationaux (autodétermination externe). Il est vrai que les Nations Unies font aussi application du principe d’auto-détermination au cas des peuples soumis à un régime raciste. L’obstacle de la souveraineté disparaît donc lorsqu’il s’agit d’un Etat soumettant le peuple à un régime raciste. Il y a là un pas vers la reconnaissance d’un droit à l’autodétermination interne.

    d) Complémentarité des droits de l’homme et des droits des peuples

    58. Le travail de l’O.N.U. dans la mise en ordre du principe d’autodétermination a été d’une importance capitale dans le processus de décolonisation et dans l’élaboration d’un véritable droit international des peuples. Mais le juriste est tenu d’aller plus loin. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est défini par les Pactes comme le droit de déterminer librement leur statut politique. Il englobe donc à la fois l’autodétermination externe et l’autodétermination interne. Lorsque les droits de l’homme et les libertés fondamentales sont systématiquement violés, lorsque les droits politiques ne sont pas reconnus, le droit du peuple à l’autodétermination se trouve aussi violé, car le peuple ne peut choisir librement son statut politique.

    59. Ainsi que l’a rappelé Antonio CASSESE, l’autodétermination politique interne signifie, d’une part, le “droit de choisir librement un gouvernement par l’exercice de toutes les libertés qui permettent un tel choix (liberté de penser, de réunion, d’association, politique, etc.)” et d’autre part, “une fois le gouvernement choisi, le droit de veiller à ce qu’il repose toujours sur le consensus du peuple” (9).

    60. Ainsi que l’écrivait dès avant la dernière guerre le professeur G. SCELLE: “La tyrannie, l’absolutisme, la dictature constituent à la fois une violation des droits individuels, et une méconnaissance du droit des peuples” (10).

    61. La Déclaration universelle des droits des peuples, document de caractère non étatique, proclamée par quelques personnalités réunies à Alger le 4 juillet 1976, à l’initiative de la Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples et la Fondation du même nom, comporte trois articles consacrés à l’autodétermination politique ainsi conçus:
    “Article 5: Tout peuple a le droit imprescriptible et inaliénable à l’autodétermination. Il détermine son statut politique en toute liberté, sans aucune ingérence étrangère extérieure.
    “Article 6: tout peuple a le droit de s ‘affranchir de toute domination coloniale ou étrangère directe ou indirecte et de tout régime raciste.
    “Article 7: Tout peuple a droit à un régime démocratique représentant l’ensemble des citoyens sans distinction de race, de sexe, de croyance ou de couleur et capable d’assurer le respect effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous.”

    62. Le droit du peuple à disposer de lui-même prend ainsi tout son sens puisqu’il couvre à la fois l’autodétermination externe (Art. 6) et l’autodétermination interne (Art. 7). Par la reconnaissance du droit pour tout peuple à un régime démocratique représentant l’ensemble des citoyens et assurant le respect effectif des droits de l’homme, la Déclaration d’Alger donne son plein sens aux droits des peuples à disposer d’eux-mêmes proclamés par la Charte des Nations Unies.

    63. Plutôt que de chercher à définir le droit à l’autodétermination et les autres droits des peuples comme des droits de l’homme, et s’engager ainsi dans la voie de la confusion juridique, il est plus juste de donner du principe d’autodétermination une interprétation qui lui confère son entière force. Les droits des peuples sont la condition nécessaire des droits de l’homme, mais le respect effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales est une condition nécessaire pour que les peuples puissent disposer réellement d’eux-mêmes. Les deux notions apparaissent donc comme complémentaires.

    64. Ainsi se trouve satisfaite la question des rapports du peuple et de l’Etat. Nous tenons pour une donnée du droit international contemporain que peuple et Etat ne se confondent pas. L’Etat ne peut être considéré comme le représentant du peuple que s’il repose sur un régime démocratique assurant le respect effectif des droits de l’homme et des libertés publiques fondamentales. Dans le cas contraire, force est de constater une contradiction entre l’Etat et le peuple.

    65. C’est pourquoi la mise en œuvre, au plan international, du droit à l’autodétermination interne se heurte inévitablement à l’objection de la souveraineté nationale. Ici, l’objection est sérieuse, le respect de la souveraineté nationale étant une norme essentielle du droit des gens et une condition de la paix internationale. Nous avons déjà souligné l’extrême faiblesse des moyens mis en œuvre pour assurer le respect du droit international des droits de l’homme. Nous avons salué les efforts de l’O.N.U. en faveur du droit à l’autodétermination des peuples soumis à la domination coloniale, étrangère ou raciste. Nous devons maintenant constater que les états n’ont pas les moyens juridiques d’assurer le respect du droit à l’autodétermination interne des peuples. S’ils en ont parfois la volonté, c’est toujours de façon sélective en fonction d’options politiques partisanes ou intéressées.

    66. C’est ici qu’il appartient à l’opinion publique internationale de prendre le relais des Etats et des institutions officielles. Le soutien de l’opinion publique est souvent obtenu grâce à l’action des organisations non gouvernementales (ONG) dont certaines parviennent à se faire entendre dans l’enceinte des Nations Unies. Ce soutien devient plus efficace si, aux raisons morales et politiques pour condamner le gouvernement oppresseur, on peut ajouter des arguments juridiques.

    67. La complémentarité de deux notions apparaît clairement. Les combats des peuples coloniaux pour leur libération ont trouvé un soutien de l’opinion publique internationale non seulement sur le fondement du droit des peuples, mais aussi par la dénonciation des violations des droits de l’homme qui accompagnent la colonisation. Il doit en être de même des combats contre les formes d’oppression intérieure.

    e) Le délicat problème des minorités

    68. Nous avons tenté de mettre un peu de clarté dans la distinction entre les droits de l’homme et les droits des peuples et les relations entre ces deux notions, essayant dans la mesure du possible de surmonter certaines confusions ou ambiguïtés. La tâche est plus difficile à propos des minorités où ces confusions et ces ambiguïtés semblent avoir été entretenues à souhait.

    69. Le seul texte dans les instruments qui nous servent de référence faisant état des minorités est l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
    “Article 27. Dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion ou d’employer leur propre langue”.

    70. Ce texte appelle deux remarques:
    – Les minorités prises en considération sont les minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, à l’exclusion des minorités nationales,
    – les droits sont reconnus non aux groupes minoritaires en tant que tels, mais aux “personnes appartenant à ces minorités”.

    71. Lors des travaux préparatoires de l’article 27, un premier projet englobait les minorités nationales, ethniques, religieuses ou linguistiques. La référence aux minorités nationales fut abandonnée en cours de route, cela nous amène à nous demander ce que signifie une “minorité nationale”, et en quoi elle se distingue de la minorité ethnique, religieuse ou linguistique. Les opinions les plus diverses ont été émises à ce sujet. Les uns ont prétendu que par “minorité nationale” il fallait entendre un ensemble de personnes ayant la nationalité ou la citoyenneté d’un Etat autre que celui dans lequel elles résident. D’autres ont soutenu que l’expression “minorité ethnique” incluait les minorités nationales, alors que d’autres, en revanche, estimaient que les minorités nationales incluaient les minorités ethniques. Certains, enfin, considéraient qu’il fallait abandonner l’expression “minorités nationales” afin d’éviter une source d’ambiguïté provenant d’une expression dont le sens ne fait pas l’unanimité (11).
    Un auteur est même allé jusqu’à soutenir qu’il fallait considérer les majorités opprimées comme des minorités, ce qui reviendrait à dire qu’une majorité numérique peut être en même temps une minorité juridique. Il était difficile alors d’aller plus loin dans la confusion.

    72. Pourquoi tant d’embarras? Ne serait-ce pas parce que l’expression “minorité nationale” pourrait bien viser un “peuple” minoritaire dans un Etat qui n’est pas le sien? Admettre l’existence d’un peuple minoritaire, c’est, ipso facto, lui reconnaître le droit à l’autodétermination puisque selon l’article 1er des Pactes internationaux “tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes”. Il n’y a aucune raison, en principe, de refuser ce droit à un peuple ayant témoigné par son comportement, et au besoin par son combat, de son existence, au seul motif qu’il vit minoritairement dans un Etat qui n’est pas le sien.

    73. Si l’on admet notre point de vue sur cette question, le cas des “minorités nationales” relèverait du droit des peuples puisque le droit de disposer d’eux-mêmes est reconnu à tous les peuples, alors que le cas des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques relèverait des droits de l’homme, puisque selon l’article 27 du Pacte sur les droits civils et politiques, les droits reconnus par cet article le sont au profit des “personnes” qui appartiennent à ces minorités.

    74. Plus particulièrement les “minorités nationales” et les minorités ethniques ne sauraient être confondues. Un peuple peut comporter des individus provenant d’origines ethniques diverses. D’autre part, si l’origine ethnique peut être l’une des caractéristiques d’un peuple, elle ne suffit pas à elle seule à le constituer.

    75. Est-ce à dire que le droit à l’autodétermination reconnu au peuple minoritaire pourra aller jusqu’à la sécession, et entraîner ainsi une atteinte à l’intégrité territoriale de l’Etat? Ce risque existe, mais ce n’est pas an niant l’existence du peuple minoritaire qu’on le supprimera. Cependant, dans de nombreuses circonstances, les conditions objectives d’une sécession ne seront pas réunies, peuple minoritaire enclavé au sein du territoire d’un autre peuple, peuple minoritaire réparti sur l’ensemble du territoire de l’Etat, etc. Parfois aussi les conditions subjectives, la volonté de se séparer, n’existeront pas. Dans tous ces cas, les personnes appartenant au peuple minoritaire devront bénéficier des droits reconnus aux personnes appartenant aux minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, et, en même temps, en vertu du principe de non discrimination, de l’égalité des droits avec les personnes appartenant au peuple majoritaire.

    V. DROITS DE L’HOMME ET DROITS DES PEUPLES A LA CULTURE

    76. Nous rappellerons d’abord les textes qui font référence aux droits culturels comme des droits de l’homme et ceux qui y font référence comme des droits des peuples. Nous tenterons ensuite de faire la distinction entre les droits culturels de l’homme et les droits culturels des peuples tout en soulignant leur complémentarité. Nous continuerons en insistant sur l’importance de la reconnaissance internationale des droits culturels et en relevant ce que d’aucuns ont considéré comme une évolution vers un “droit international de la culture”.

    a) Les textes

    77. Les textes suivants font référence aux droits culturels comme des droits de l’homme:
    – Déclaration universelle des droits de l’homme:
    “Art. 22: Toute personne … est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité… compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque pays.”
    “Art. 27.1: Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent”.

    – Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels:
    “Art 3: Les états parties au présent Pacte s’engagent à assurer le droit égal qu’ont l’homme et la femme au bénéfice de tous les droits économiques et sociaux et culturels qui sont énoncés dans le présent Pacte”.
    “Art. 15: Les états parties au présent Pacte reconnaissent à chacun le droit:
    a) de participer à la vie culturelle,
    b) de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications,
    c) de bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur…”.

    • Pacte international relatif aux droits civils et politiques:
    Ce Pacte traite en son article 27 des droits culturels des personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques. Nous en avons cité les termes plus haut.

    78. Quant aux textes faisant expressément référence aux droits culturels des peuples, citons:
    • l’article 1er, alinéa 1, commun aux deux Pactes internationaux:
    “Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.”
    Mais il faut surtout citer l’article 1er de la Déclaration des principes de la coopération culturelle internationale, adoptée à l’unanimité par la Conférence générale de l’Unesco le 4 novembre 1966:
    Toute culture a une dignité et une valeur qui doivent être respectées et sauvegardées. Tout peuple a le droit et le devoir de développer sa culture. Dans leur variété féconde, leur diversité et l’influence réciproque qu’elles exercent les unes sur les autres, toutes les cultures font partie du patrimoine commun de l’humanité.

    79. Ainsi que nous l’avons fait pour les relations entre droits de l’homme et droits des peuples en général, nous devons, pour éviter toute ambiguïté, distinguer entre les droits culturels de l’homme et les droits culturels des peuples. Les uns et les autres se rapportent évidemment à la culture, mais ils n’ont ni le même objet ni le même titulaire. D’un côté, chaque personne a le droit de participer à la vie culturelle, de l’autre, tout peuple a droit au respect et au développement de sa culture. Une chose est le droit d’accès de l’individu à la culture, autre chose le droit pour chaque peuple de voir sa culture sauvegardée et respectée par les autres peuples et états.

    80. Non seulement le bénéficiaire du droit varie, mais son objet varie, dans le premier cas, il s’agit de l’obligation pour chaque Etat, dans la mesure de ses moyens, d’assurer à chacun la participation à la vie culturelle. Dans le second cas, il s’agit de respecter et de sauvegarder la valeur et la dignité de la culture de chaque peuple et de permettre à celle-ci de se développer, sans qu’il soit besoin de s’engager ici dans le débat sur les divers sens du mot “culture”, constatons simplement que lorsqu’il s’agit de la culture de l’individu et de celle du peuple, le champ de l’objet n’est pas le même.

    81. Les personnes appartenant à une minorité ethnique, religieuse ou linguistique ont le droit, selon l’article 27 du Pacte relatif aux droits civils et politiques, d’avoir leur “propre vie culturelle”. Ce droit leur est reconnu au même titre que celui de professer leur propre religion, ou d’employer leur propre langue. Nous avons déjà signalé ces droits en faisant remarquer qu’ils sont reconnus non à la collectivité minoritaire en tant que telle, mais aux personnes appartenant à la minorité. D’autre part l’article 27 a exclu de son champ d’application les minorités nationales, c’est-à-dire les peuples minoritaires au sein ‘d’un Etat (voir supra).

    b) Vers un droit international de la culture

    82. Si la référence aux droits culturels comme droits de l’homme ne pose pas de problème et peut être tenue comme incluse dans le droit positif, la notion de droit culturel des peuples apparaît comme une notion en voie de formation. L’article 1er des deux Pactes n’évoque le droit des peuples à déterminer leur développement culturel que comme un aspect du droit général à l’autodétermination.

    83. Certains auteurs considèrent qu’il n’est pas inconcevable de voir évoluer, par exemple en matière d’échanges culturels, non seulement la pratique des états, mais le droit international lui-même (12). A la gestation de ce nouveau droit international de la culture, les résolutions et recommandations de la Conférence générale de l’Unesco contribuent largement et tout permet de penser qu’il sera mis en œuvre sur le fondement des principes énoncés à l’article 1er de la Déclaration déjà citée, du 4 novembre 1966.

    84. L’Unesco, par la connaissance qu’elle a des besoins culturels de tous les individus de la planète et, en même temps, de la diversité des cultures de chaque peuple et de la nécessité de les sauvegarder, est le lieu idéal où pourrait s’élaborer un tel droit international de la culture.

    85. Celui-ci devra être fondé sur la complémentarité et l’interdépendance entre les droits culturels de l’homme et les droits culturels des peuples. Les droits culturels de l’individu ne peuvent être satisfaits lorsque le peuple auquel il appartient est asservi. Inversement, le développement culturel de chaque peuple suppose le libre accès à la culture de tous les individus qui le composent.

    86. On aura remarqué que la Déclaration du 4 novembre 1966 proclame que “toutes les cultures font parties du patrimoine commun de l’humanité”. Cette notion de “patrimoine commun de l’humanité” que l’on trouve dans d’autres textes internationaux concernant d’autres matières – il était important que ce soit l’Unesco qui la rappelle à propos de la culture des peuples. N’y a-t-il pas là un nouveau principe de droit international en voie de formation? Au-delà des individus, des peuples et des Etats, l’”humanité” ne se verrait-elle pas reconnaître un patrimoine et des droits sur celui-ci? Bien que sortant du cadre de cette étude, cette remarque ne nous a pas paru inutile.

    VI. CONCLUSION

    87. Nous pensons avoir fait le tour, certes de façon élémentaire et parfois superficielle, de ce qu’on pourrait considérer comme le droit international positif des droits de l’homme et des droits des peuples, droits achevés ou en voie de formation. Qu’il nous soit cependant permis, afin d’éviter toute équivoque, de faire deux remarques.

    88. Le fait que nous nous en soyons tenus, dans toute la mesure du possible, au droit positif, ne signifie nullement une adhésion à la théorie positiviste du droit selon laquelle toute recherche d’explication de la norme juridique hors la norme elle-même est inutile. L’auteur de cette étude estime plutôt quant à lui que l’analyse de toute norme juridique doit prendre en compte les conditions de sa formation dans le cadre de structures sociale et politique données, elles-mêmes en mouvement.

    89. D’autre part, nous ne méconnaissons nullement, ni ne sous-estimons les manipulations à des fins politiques des droits des peuples pour couvrir des manquements manifestes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales ou réciproquement les manipulations des droits de l’homme pour justifier des atteintes inadmissibles aux droits des peuples. De telles manipulations sont malheureusement trop fréquentes. Nous avons estimé qu’il n’y avait pas lieu d’en faire état dans cette étude qui concerne seulement le droit et non son application, et encore moins son détournement.

    1 Voir aussi Théo Van Boven, “Aperçu du droit international positif des droits de l’homme” in Les dimensions internationales des droits de l’homme, Unesco, Paris, 1978.
    2 Auréliu Cristescu, “Le droit à l’autodétermination” Nations Unies, New York, 1981, p.37.
    3 Edmond Jouve, Le droit des peuples, Collection Que sais-je?, Presses universitaires de France, Paris, 1986, p.7.
    4 Charles Chaumont, “Le droit des peuples à témoigner d’eux-mêmes”, Annuaire du Tiers monde, Vol.II, 1975-76, Paris, p. 15 et suivantes.
    5 Cité par Cristescu, op.cit., p.16. Voir aussi “L’avis consultatif du 21 juin 1971 dans l’affaire de la Namibie” par Brigitte Bollecker, in Annuaire français de droit international, CNRS, Paris, 1977, p.281 et suivantes.
    6 Maurice Flory, “L’avis de la Cour internationale de justice sur le Sahara occidental, 16 octobre 1975” in Annuaire français de droit international, CNRS, Paris, 1975, p.253 et suivantes.
    7 René-Jean Dupuy, “Thème et variations sur le droit au développement” in Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, Mélanges offerts à Charles Chaumont, Editions Pedone, Paris, 1984, p.263.
    8 Voir K.J.Partsch, “Les principes de base des droits de l’homme” in Les dimensions internationales des droits de l’homme, Unesco, Paris, 1978, p.72.
    9 Antonio Cassese, in Le mois en Afrique, Oct-Nov 1981, p.102.
    10 Cité par Antonio Cassese, ibid.
    11 Voir Jules Deschenes, “Proposition pour une définition du terme ‘minorité'”, Nations Unies, ECOSOC, New York, E/CN.4/Sud.2/1985/31.
    12 Voir Jean-Pierre Colin et Jack Lang, “La culture entre les peuples et les Etats: vers un nouveau droit international” in Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, Mélanges offerts à Charles Chaumont, Editions Pedone, Paris, 1984, p.179 et suivantes.

    Matarasso, Léo
    en:

    Etude réalisée par M. Léo Matarasso, Président d’honneur de la Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples, présentée à la réunion internationale d’experts sur l’approfondissement de la réflexion sur le concept de droits des peuples.
    Unesco, Paris, 27-30 novembre 1989

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